2022/02 > La Juridiction Unifiée du Brevet et le Brevet Unitaire enfin dans les starting-blocks !
La possibilité d’obtenir un brevet européen à effet unitaire et de saisir une seule juridiction pour traiter des litiges en matière de contrefaçon et de validité de brevets européens est proche. Des changements majeurs concernant la protection par brevet des inventions en Europe et les litiges en la matière devraient intervenir d’ici la fin de l’année 2022, ou au début de l’année 2023.
La Juridiction Unifiée du Brevet (JUB ; Unified Patent Court ou « UPC » en anglais) sera instaurée après une phase préparatoire qui devrait durer 8 à 10 mois et qui a été initiée le 19 janvier 2022. Les décisions de la JUB produiront leurs effets dans les États membres de l’Union européenne qui auront ratifié l’accord relatif à la JUB (accord JUB). Suite au Brexit, le Royaume-Uni n’est plus partie à l’accord JUB. Bien qu’étant membres de l’Union européenne, l’Espagne et la Pologne ont annoncé qu’elles se tiendraient en dehors du système. A ce jour, 16 pays ont ratifié l’accord JUB, à savoir l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède. Il est prévu que l’Allemagne déposera son instrument de ratification de l’accord JUB, lorsque la phase préparatoire sera suffisamment avancée pour que la JUB soit considérée opérationnelle. Cette ratification par l’Allemagne déclenchera une période préalable de 3 à 4 mois avant l’entrée en vigueur de l’accord JUB et donc la possibilité de saisir la JUB.
Les règlements instaurant le brevet européen à effet unitaire (brevet unitaire) seront applicables, dans les pays participants, en même temps que l’entrée en vigueur de l’accord JUB. Un brevet européen à effet unitaire sera un brevet européen « classique » délivré par l’Office Européen des Brevets (OEB) mais pour lequel, au moment de la délivrance, le déposant aura demandé un effet unitaire. Le déposant pourra alors disposer de son brevet unitaire pour les pays concernés (les pays participants ayant ratifié l’accord JUB) et de son brevet européen pour les autres Etats membres de la Convention sur le Brevet Européen (CBE)(1). Si l’effet unitaire n’est pas demandé, le brevet restera un brevet européen classique. Le brevet unitaire sera maintenu en vigueur par le paiement d’une taxe annuelle unique, acquittée à l’OEB et dont le montant correspondra aux taxes annuelles combinées dues dans les quatre principaux pays de l’Union européenne. Pendant une période transitoire d’au moins six ans et d’au plus douze ans, la demande d’effet unitaire devra être accompagnée d’une traduction de la description du brevet européen en anglais si ce dernier est rédigé en français ou en allemand, ou d’une traduction de la description dans l’une quelconque des langues de l’Union européenne si le brevet est en anglais. À l’issue de cette période transitoire, aucune traduction ne sera requise après la délivrance pour obtenir le brevet unitaire. Le brevet unitaire fournira une protection uniforme dans les pays concernés.
Dans le cas des brevets unitaires, les décisions, en matière de contrefaçon et nullité notamment, ne pourront être rendues que par la JUB et non plus par les juridictions nationales, et une décision unique sera donc applicable pour tous les pays couverts par le brevet unitaire. La JUB devrait conduire à une simplification des litiges et à une harmonisation des décisions en Europe en matière de brevets.
À terme, la JUB sera la juridiction qui aura compétence exclusive pour les litiges, notamment en matière de contrefaçon et validité, pour tous les brevets délivrés par l’OEB dans les pays ayant ratifié l’accord JUB, qu’il s’agisse de brevets unitaires ou de brevets européens « classiques ». Néanmoins, pendant une période transitoire de 7 ans (pouvant être prolongée jusqu’à 7 ans supplémentaires), les litiges relatifs à des brevets européens « classiques » pourront être engagés devant les juridictions nationales ou la JUB, au choix du demandeur à l’action. Pendant cette période transitoire, le titulaire d’un brevet européen « classique » pourra, en déposant une demande d’OPT-OUT, soustraire son brevet européen à la compétence de la JUB, l’exclusion de la JUB continuant de s’appliquer même après la fin de la période transitoire. Le dépôt d’une demande d’OPT-OUT ne sera en revanche plus possible après l’expiration de la période transitoire.
La JUB sera autofinancée, de sorte que le demandeur à l’action devra payer une taxe qui sera fonction de la valeur estimée du litige. Il ne sera pas nécessaire que le demandeur ait un « intérêt à agir ».
Quand déposer une demande d’effet unitaire ?
À compter de l’entrée en application des règlements sur le brevet unitaire, une demande d’effet unitaire pourra être déposée à l’OEB, dans le mois suivant la publication de la mention de la délivrance d’un brevet européen, sous réserve que le brevet ait un jeu de revendications identique pour tous les états concernés et que tous les pays où le brevet unitaire est applicable soient désignés.
L’OEB a mis en place des mesures transitoires : il sera également possible de déposer des demandes d’effet unitaire, dites anticipées, pendant la période préalable à l’entrée en vigueur de l’accord JUB, pour les demandes de brevet européen pour lesquelles une intention de délivrance (notification selon la Règle 71(3) CBE) a été adressée par l’OEB. La possibilité de requérir le report de la décision de délivrance d’un brevet européen sera également offerte, sous certaines conditions pendant cette période préalable, pour laisser au déposant la possibilité de déposer une demande d’effet unitaire.
Quand déposer une demande d’OPT-OUT ?
Un OPT-OUT exclut la compétence de la JUB pour toute la durée de vie du brevet. Un OPT-OUT pourra être retiré (OPT-IN), mais seulement si une action n’a pas déjà été engagée devant une juridiction nationale. Après un OPT-IN, il ne sera plus possible de redéposer un OPT-OUT.
Une demande d’OPT-OUT pourra concerner toute demande de brevet européen publiée et tout brevet européen « classique », à la condition qu’aucune action impliquant ladite demande ou ledit brevet n’ait été engagée devant la JUB. L’OPT-OUT d’un brevet unitaire ne sera pas possible.
Une demande d’OPT-OUT pourra être déposée dans ces conditions, à tout moment, jusqu’à un mois avant la fin de la période transitoire et, également, pendant une période dite « Sunrise Period » d’au moins 3 mois précédant l’entrée en vigueur de l’accord JUB.
Quelles sont les actions à mener ?
Il est important de déterminer les demandes/brevets européens pour lesquels il serait préférable d’exclure la compétence de la JUB, afin de pouvoir déposer une demande d’OPT-OUT, dès que cela sera possible.
L’intérêt d’un brevet unitaire et, le cas échéant, l’utilisation des mesures transitoires proposées par l’OEB sont également à évaluer au cas par cas.
Des dispositions spécifiques sur les prises de décision relatives aux demandes d’effet unitaire et d’OPT-OUT, ainsi que sur le choix de la juridiction en cas de litige devront être prévues dans certains contrats.
Nos équipes se tiennent à votre disposition pour de plus amples renseignements à ce sujet et vous conseiller dans la stratégie que vous souhaitez mettre en place.
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(1) Ce brevet européen devra faire l’objet des procédures de validation classiques pour chaque pays concerné. Ces pays peuvent notamment être le Royaume-Uni, l’Espagne et les pays de la CBE non membres de l’UE.
La liste des pays qui ne sont pas signataires à la fois des règlements sur le brevet unitaire et de l’accord JUB, et dans lesquels l’effet unitaire ne pourra pas être applicable, est à ce jour : Norvège, Suisse, Lichtenstein, Monaco, République de Macédoine du Nord, Serbie, Albanie, Saint-Marin, Royaume-Uni, Islande, Turquie, Croatie, Espagne et Pologne.