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2021/01 > Expression d’un lien au terroir : linge basque, Absolue pays de Grasse et pierre d’Arudy, les tous derniers crus de l’INPI

Le linge basque, l’Absolue pays de Grasse et la pierre d’Arudy ont rejoint en novembre dernier la petite famille des indications géographiques de produits industriels et artisanaux (IGPIA). Ce sont en effet seulement 12 indications géographiques qui ont été jusqu’alors homologuées par l’INPI. On compte toutefois deux nouvelles demandes d’homologation : le «couteau de Laguiole» et les «poteries d’Alsace» pour lesquelles des enquêtes publiques en vue de l’homologation des indications géographiques viennent d’être ouvertes.

Qu’est-ce qu’une indication géographique de produit industriel ou artisanal  (IGPIA)?

L’indication géographique permet de faire le lien entre un produit et son origine. Elle a pour vocation de de protéger un savoir-faire et d’une production préexistants.

Tout comme la marque, l’indication géographique est un signe distinctif.  Elle garantit au consommateur la provenance d’un produit et certaines caractéristiques liées au lieu de production, gage de qualité et d’authenticité de ce produit.

L’OMC a défini l’indication géographique dès 1994 à l’article 22:1 de l’accord sur les ADPIC* comme étant des « indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre, ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique».

En droit français l’indication géographique de produit industriel ou artisanal est définie à l’article L.721-2 du code de la propriété intellectuelle comme étant la  « dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ». Cette catégorie d’indication géographique encore peu connue du public a été créée par la loi Hamon du 17  mars 2014. Auparavant seuls les produits naturels, agricoles et viticoles pouvaient bénéficier de la protection nationale conférée aux indications géographiques.

Cette indication géographique fait l’objet d’une procédure d’homologation particulière prévue à l’article  L.721-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. Contrairement aux autres signes officiels qualité et d’origine (SIQO), tous administrés par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), c’est l’INPI qui statue sur les demandes d’homologation ou de modification des cahiers des charges de ces appellations particulières.

Cette homologation passe entre autres par l’élaboration d’un cahier des charges dont la rédaction peut s’avérer longue et laborieuse. Il aura ainsi fallu plusieurs années pour parvenir à un accord entre tous les membres opérateurs de l’association « Indication géographique Porcelaine de Limoges » (c’est-à-dire les fabricants de porcelaine de Limoges ou les décorateurs). Pour le savon de Marseille, les savonniers ne sont toujours pas parvenus à une entente sur un cahier des charges. Deux associations défendant des procédés différents ont même chacune déposé en 2015 une demande d’homologation dont aucune n’a aboutie. L’INPI a d’ailleurs indiqué à cette occasion, ne pouvoir homologuer qu’une seule demande.

Une indication géographique mais à quelles fins ?

Une fois l’indication géographique homologuée, les produits concernés qui respectent le cahier des charges attaché à l’indication, pourront être marqués du nom de cette indication. Les IGPIA sont par ailleurs référencées dans une base de données propre, librement accessible sur le site de l’INPI.

Par ailleurs, l’article L.722.1 du code de la propriété intellectuelle prévoit dans son b) que toute atteinte portée à une IGPIA constitue une contrefaçon. Sont donc interdits « la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins de biens dont la présentation porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à une indication géographique. »

Pour donner un exemple, dans le monde de la parfumerie, l’Absolue de Grasse pour un processus de transformation des fleurs en « essence absolue » a obtenu l’homologation de l’INPI en novembre dernier. Depuis lors, tout vendeur d’Absolue de grasse, identifié en tant que tel, dont les étapes de production, de cueillette et de transformation ont été opérées en dehors de l’aire géographique des départements des Alpes-Maritimes, du Var et des Alpes-de-Haute-Provence peut être poursuivi sur le fondement de la contrefaçon.

Une coexistence avec d’autres signes de qualité…

Les indications géographiques comprennent au sens large les Indications Géographiques françaises de produits industriels et artisanaux (IGPIA),  les Appellations d’Origine Protégées (AOP), mais également les Appellations d’Origine Contrôlées (AOC), les Indications Géographiques Protégées (IGP) et  les Indications Géographiques de boissons spiritueuses (IG). Les AOP, les IGP et les IG de boissons spiritueuses sont toutes trois également règlementées au niveau de l’Union européenne. Ces règlementations se sont substituées aux règlementations nationales,  la CJUE  ayant affirmé dans une décision Budějovický Budvar (CJUE, 8 septembre 2009 (C 478/07, ECLI EU:C:2009:521) que la finalité de la règlementation européenne n’était pas « d’établir, à côté de règles nationales pouvant continuer à exister, un régime complémentaire de protection des indications géographiques qualifiées…mais de prévoir un régime de protection uniforme et exhaustif pour de telles indications ». Seules subsistent donc au niveau national français les indications géographiques de produits industriels ou artisanaux (IGPIA) dans la mesure ces signes ne font pas l’objet d’une règlementation européenne.

Une coexistence  avec les marques…

L’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 a transposé la Directive de 2015 et ainsi incorporé en droit français des motifs absolus et relatifs de refus ou d’annulation des marques qui portent atteinte aux indications géographiques de produits manufacturés et plus largement à des signes officiels de la qualité et de l’origine.

Les IGPIA constituent donc désormais avec le 9° du nouvel article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle un motif absolu d’annulation ou de rejet d’une marque. L’INPI aura la possibilité de refuser une marque à l’enregistrement si elle porte atteinte à une indication géographique prise dans son sens le plus large. Auparavant l’INPI pouvait seulement refuser l’enregistrement d’une marque si elle était « de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit et service. »

En ce qui concerne les motifs relatifs, les indications géographiques de produits industriels et artisanaux (IGPIA) ont été ajoutées à la liste des droits antérieurs pouvant permettre l’annulation d’une marque déjà enregistrée ou le rejet d’une demande d’enregistrement. Cette disposition que l’on peut retrouver au 5° de l’article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle avait déjà été introduite dans le code de la propriété intellectuelle en 2014 par la loi Hamon à l’article L.711.4 (ancien).

Enfin, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance, les IGPIA font à présent partie de la liste les droits antérieurs pouvant être invoqués dans la nouvelle procédure d’opposition (article L.712-4 du code de la propriété intellectuelle).

La protection des indications géographiques des produits manufacturés s’arrête pour le moment aux frontières de l’Hexagone, mais elle pourrait à l’avenir s’étendre aux frontières de l’Europe, la Commission européenne étudiant actuellement l’extension de la protection des indications géographiques aux produits non-alimentaires.

* L’Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle

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