2019/04 > Le droit d’auteur à l’heure du numérique
La directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique est définitivement adoptée depuis le 26 mars 2019 par le Parlement européen. Cette directive a pour objet la protection des droits des auteurs dans le monde numérique et son contenu particulier vient s’ajouter aux directives antérieures qui restent toujours d’application.
Cette directive comporte 30 articles et 86 considérants. Elle pose en premier lieu un cadre global de protection et de définition des conditions d’usage des œuvres protégées par droit d’auteur dans les domaines de la recherche, de l’éducation et de la conservation du patrimoine culturel.
Elle met également en place des règles dans le but d’améliorer les relations contractuelles entre les auteurs, interprètes, producteurs et éditeurs et les plateformes de partage de contenus en ligne. A ce sujet, les principes adoptés sont plus particulièrement les suivants.
Les exceptions et limitations au droit d’auteur subsistent
L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Si les auteurs jouissent d’une protection et d’un monopole importants, il existe cependant des limites et des exceptions à ceux-ci.
Ces mêmes limites et exceptions continueront à s’appliquer. Ainsi, les contenus dans le domaine public ou qui pouvaient être partagés sans l’autorisation de l’auteur antérieurement à l’adoption de la Directive le resteront.
Sont citées à titre d’exceptions ou de limitations, citation, critique, revue et l’utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche (article 17.7).
Pas d’accès aux œuvres protégées sans autorisation de l’auteur
Il est précisé à l’article 17.1 que le fournisseur de services de partage de contenus en ligne effectue un acte de communication au public ou un acte de mise à la disposition du public lorsqu’il donne accès au public à des œuvres protégées par le droit d’auteur ou à d’autres objets protégés qui ont été téléversés par les utilisateurs.
Sont tout particulièrement visées les plateformes de partage de contenus telles que Facebook ou Youtube, dont les actes tombent sous le coup de la directive, qui incite par ailleurs à la mise en place de système d’autorisations accordées dans le cadre d’accords de licence.
Obligation de contrôle des contenus imposée aux fournisseurs de services de partage de contenus en ligne
Il est ainsi mis fin à l’irresponsabilité de ce fournisseur de services s’agissant des contenus hébergés. Bien au contraire, c’est une responsabilité a priori qui est prévu par l’Article 17.3 s’agissant non seulement de la communication au public d’œuvres ou d’autres objets protégés mais également de leur mise à disposition réalisée par ce fournisseur de services. Aujourd’hui, celui-ci relève en France du statut des hébergeurs mis en place par la loi du 21 juin 2004 et est ainsi considéré uniquement comme un simple intermédiaire technique. A ce titre, il bénéficie d’un régime de responsabilité atténué et sa responsabilité est seulement mise en œuvre s’il est averti héberger un contenu illicite, et qu’il n’en suspend pas promptement la diffusion. Désormais il sera aussi tenu pour responsable en cas de diffusion de contenus protégés non autorisés ou s’il ne peut pas prouver avoir mis en œuvre ses meilleurs efforts pour obtenir une autorisation de diffusion ou au contraire pour assurer l’indisponibilité de ces contenus, bloquer leur accès et empêcher qu’ils ne soient téléversés dans le futur.
Un aménagement de ces conditions est tout de même prévu pour les fournisseurs récents de moins de 3 ans et qui ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros notamment (Article 17.6).
Juste rémunération des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants dans le cadre des contrats d’exploitation
La rémunération des auteurs et des artistes interprètes ou exécutants dans le cadre des contrats d’exploitation doit être « appropriée et proportionnelle à la valeur économique réelle ou potentielle des droits octroyés sous licence ou transférés compte tenu des circonstances de l’espèce, telles que les pratiques du marché ou l’exploitation réelle de l’œuvre … » (Considérant 73).
En application de l’article 18, les Etats membres doivent veiller à mettre en œuvre ce principe (article 18.1). Ils sont libres pour ce faire de recourir aux différents mécanismes pouvant satisfaire le principe de liberté contractuelle et le juste équilibre des droits et intérêts (Article18.2). Une obligation de transparence à l’égard des auteurs est prévue à l’article 19, tandis que les articles 20, 21 et 22 prévoient les mécanismes d’adaptation des contrats, une procédure extra- judiciaire de règlement des litiges et un droit de révocation en cas de non-exploitation de l’œuvre.
La directive précise en son article 23 que les articles 18 à 22 ne s’appliquent pas aux programmes d’ordinateur au sens de l’article 2 de la directive 2009/24 relatif à la qualité d’auteur du programme.
Utilisation en ligne des publications de presse
Les plateformes vont devoir mieux rémunérer les médias (auteurs et éditeurs) pour les articles qu’elles utilisent (point 5).
L’article 15 prévoit aussi le droit aux éditeurs de presse d’interdire ou d’autoriser l’utilisation en ligne de leurs publications avec une limitation dans le temps de deux ans à compter du 1er janvier de l’année suivant la date à laquelle la publication de presse a été publiée (points 1 et 4). Ce nouveau droit exclut les hyperliens et les courts extraits ou mots isolés. Cette disposition ne s’applique pas aux utilisations, à titre privé ou non commercial, de publications de presse faites par des utilisateurs individuels.
Le texte de la Directive n’est pas encore publié, mais un délai de deux ans est accordé pour sa mise en œuvre en droit national.