2019/03 > Le futur proche des marques et modèles en cas de « No-deal Brexit»
En application de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, la sortie du Royaume-Uni de l’Union devrait intervenir le 29 mars 2019, à moins que le Conseil européen et le Royaume-Uni ne s’accordent pour prolonger ce délai.
Il faut savoir que le Royaume-Uni est toutefois libre de révoquer son intention de quitter l’Union européenne tant que l’Accord de retrait négocié entre l’Union européenne et le Royaume-Uni n’est pas confirmé entre les parties. Cette possibilité a été confirmée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt du 10 décembre 2018 (C-621/18). Cette issue reste néanmoins peu probable.
La dernière version de ce projet d’Accord de retrait a été publiée le 14 novembre 2018. Il comporte une période provisoire s’étendant jusqu’au 31 décembre 2020 et les articles 54 à 61 sont consacrés aux droits de PI. Cet Accord a été rejeté par les députés britanniques le 15 janvier 2019 même si un deuxième vote est prévu d’ici le 12 mars dont l’issue est plus qu’incertaine. Brièvement, il assure la continuité des droits enregistrés, sans réexamen, pour les marques et les dessins et modèles européens et également pour les droits européens obtenus par le biais des systèmes de Madrid et de La Haye. Des dispositions transitoires sont aussi prévues pour les demandes en cours.
A l’heure actuelle, la signature de cet Accord est largement compromise et il s’avère plus que nécessaire d’examiner l’hypothèse d’un « No-deal Brexit» puisqu’au lendemain du 29 mars, le droit de l’Union cessera de s’appliquer au Royaume-Uni. En effet, à un mois de l’échéance, ce scénario extrême ne parait plus exclu.
Un retrait sans accord signifiera du point de vue des droits de propriété industrielle que le Royaume-Uni se retrouvera dans la situation d’un Etat tiers à l’Union européenne et inversement pour l’Union européenne. Toute directive européenne régissant les droits de PI intégrée en droit national britannique le restera toutefois jusqu’à nouveau changement législatif national. De ce point de vue, il est à noter que les dispositions de la directive Marques de 2015 qui devaient être intégrées par les Etats Membres au 14 janvier 2019 l’ont été par le Royaume-Uni. Tous les règlements européens, d’effet direct, sont intégrés dans l’ordre normatif britannique par l’article 3 du European Union (Withdrawal) Act 2018, jusqu’à nouveau changement législatif national. En revanche, les directives et règlements européens futurs n’auront pas d’effet au Royaume-Uni. Par ailleurs, d’ores et déjà des projets de textes susceptibles de modifier le corpus de droit communautaire intégré au Royaume Uni, sont soumis au parlement britannique.
Le Brexit sans accord avec les instances européennes impacte les droits européens de marque, de modèle, les CCP, obtentions végétales, les noms de domaine, droit d’auteur et droits voisins, le règlement sur les douanes 608/2013, ainsi que le projet très avancé relatif au brevet unitaire et à la juridiction unitaire qui l’accompagne.
Un certain nombre de documents anticipant la sortie du Royaume Uni sans accord, ont d’ores et déjà été publiés, sachant qu’il ne s’agit à ce jour que d’un nombre restreint de textes. On peut en déduire les principes qui suivent.
A compter du 30 mars 2019, en cas de « no-deal Brexit », qu’il s’agisse d’une marque ou d’un modèle,
- toute nouvelle demande pour l’obtention d’un droit au Royaume-Uni devra être déposée nationalement et sera examinée selon les dispositions de la loi britannique en vigueur.
- tout titre européen (marque ou modèle) enregistré et publié à cette date sera converti au Royaume-Uni en un titre national « comparable » sans formalité particulière ; il semble que pour les marques de certification et les marques collectives, l’UKIPO demandera à leurs titulaires de fournir une copie du règlement d’usage (et éventuellement sa traduction anglaise); par ailleurs les titulaires qui ne souhaitent pas une telle conversion pourraient faire un « opt-out »,
- Pour les demandes européennes déposées devant l’EUIPO, mais non encore enregistrée, leurs titulaires disposeront d’un délai de neuf mois à compter du retrait (Exit Day), pour déposer une demande de protection nationale au RU, sachant que la date de la demande européenne, date de priorité comprise, sera sauvegardée à titre d’antériorité.
- Les marques et les modèles européens bénéficieront d’un délai de grâce pour leur renouvellement au Royaume Uni après l’Exit Day,
- Le modèle européen non enregistré sera protégé s’il est divulgué au Royaume-Uni à la date de l’Exit Day, par une protection nationale équivalente créée spécifiquement, et qui sera adoptée dans les meilleurs délais.
La continuité au Royaume Uni des droits existants obtenus ou demandés avant l’Exit Day via le système de Madrid pour les marques et de La Haye pour les modèles, selon des modalités similaires à celles concernant les droits européens, est prévue.
Le Royaume-Uni continuerait d’appliquer l’épuisement à l’échelle de l’Espace Economique Européen. Quant à la lutte contre les produits de contrefaçon, il conviendra de confirmer localement les demandes d’interventions des douanes déposées au niveau européen.
Les dispositions exposées ci-dessus restent conditionnelles car un nombre important des textes prévus est encore à l’étude.
En conclusion, nous rappelons qu’il est opportun de procéder au renouvellement avant le 29 mars prochain, de toutes les marques ou dessins et modèles qui peuvent l’être sans attendre la date limite du renouvellement. En effet, il est possible de procéder à ce renouvellement six mois avant l’échéance prévue. Il est aussi important de préparer les retenues en douanes qui devront être déposées au Royaume Uni, pour pallier l’absence de ce territoire dans les demandes européennes déposées avant l’Exit Day. Enfin, la révision des contrats, notamment de coexistence, couvrant le territoire de l’Union sans que ceux-ci aient anticipé la situation du Brexit, doit être entreprise, si elle ne l’a pas déjà été.
Il faut enfin se rappeler qu’après l’Exit Day, soit en principe le 29 mars, il ne sera plus possible d’être représenté devant l’EUIPO par des cabinets ou conseils britanniques qui n’ont pas de représentation officielle dans un Etat membre de l’UE.