2017/02 > De la compétence internationale des Tribunaux de Marques Européennes
Le Règlement 207/2009 sur la Marque Européenne prévoit des règles de compétences propres pour les actions judiciaires notamment relatives aux atteintes portées à une marque européenne.
Ainsi, chaque Etat membre a désigné un « tribunal européen » compétent pour connaître notamment de l’action en contrefaçon engagée sur la base d’une marque européenne ou à l’encontre d’une marque européenne. En application l’article 94 de ce Règlement, est compétent à titre principal, ratione loci, le tribunal européen sur le territoire duquel le défendeur a son domicile. Toutefois, en application de l’article 97, si ce défendeur est domicilié hors de l’UE, mais a un établissement dans un Etat membre, le litige est porté devant le tribunal compétent de l’Etat membre de cet établissement.
Pour la première fois, la CJUE va être amenée à définir la notion d’ «établissement » au sens de cet article pour déterminer si un demandeur danois, Hummel Holding A/S, peut assigner un défendeur, Nike Inc., non pas au siège de la société aux Etats-Unis, mais en Allemagne où ce dernier a un établissement Nike Retail B.V.
L’Avocat général Tanchev propose à la CJUE, dans ses conclusions présentées le 12 janvier 2017, de répondre ainsi :
« Dans des circonstances telles que celles ayant donné lieu à la procédure au principal, une société juridiquement indépendante, établie dans un État membre de l’Union, qui est une sous-filiale d’une entreprise qui n’a pas elle-même son siège dans l’Union doit être considérée comme un « établissement » de cette entreprise au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement (CE) n°207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p.1) si cette sous-filiale juridiquement indépendante est un centre d’opérations qui, dans l’État membre où elle est située, se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur, comme un prolongement de la maison mère basée dans un État tiers. »
Après avoir souligné l’autonomie de la définition européenne du terme « établissement », et constaté l’indépendance juridique de Nike Retail A/B. vis-à-vis de sa maison mère sise aux Etats-Unis, l’Avocat général constate que la société allemande dispense les tiers de négocier directement avec cette maison-mère et est, somme toute, le prolongement de celle-ci en Allemagne. Sa fonction essentielle est non seulement la gestion des ventes mais aussi l’identification et la représentation de de sa maison mère, dont elle émane et porte le même nom « Nike », dont elle fait un usage ostensible.
Il s’agit ainsi selon l’Avocat Général de facteurs matériels, vérifiables par des tiers, qui permettent de considérer que la filiale allemande de Nike est bien un centre d’opérations et constitue donc un établissement.
Il précise, par ailleurs, que, s’il souhaite éviter de relever de la compétence internationale étendue prévue par l’article 97, il incombe au défendeur/tiers à l’Union européenne de clarifier les relations juridiques et commerciales qui le lient à un éventuel établissement par des messages publics et explicites, ou en restructurant son organisation commerciale ou en restreignant l’usage de sa marque par cet établissement.
(Conclusions du 12 janvier 2017, Aff. C-617/15).