2016/09 > Quelques éléments sur l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Cette ordonnance entre en vigueur au 1er octobre et s’applique aux contrats postérieurs au 30 septembre 2016, sachant que ceux conclus antérieurement seront concernés au moment de leur renouvellement éventuel. Elle vient, pour la première fois depuis la rédaction du Code Civil, modifier en profondeur les Titres III à IVbis du Livre III du Code civil.
Ces modifications sont, pour une majorité, une codification de la jurisprudence, mais tiennent également compte de l’important apport doctrinal intervenu depuis lors.
L’une des grandes innovations de cette ordonnance est la codification de la phase précontractuelle, déjà règlementée par la jurisprudence, même si le principe de la liberté contractuelle est rappelé. Chaque étape de la négociation doit être conduite de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public. Il est toutefois précisé qu’ « en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu » (article 1112).
L’ordonnance introduit un devoir général d’information préalable à la conclusion du contrat (article 1112-1) qui s’applique à chacune des parties, pour toute information déterminante pour le consentement, en ce sens que cette information doit avoir un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Le non-respect de cette obligation entraine non seulement la responsabilité du cocontractant, mais éventuellement l’annulation du contrat pour vice du consentement (article 1130 et suivants). La charge de la preuve de l’obligation d’information revient à celui qui prétend que l’information lui était due par l’autre partie, qui, elle, devra prouver qu’elle l’a fournie (article 1112-1, alinéa 4). Toutefois il n’est prévu aucune obligation d’information sur l’estimation de la valeur de la prestation (article 1112-1, alinéa 2).
Une disposition importante de manière générale, mais tout particulièrement dans le domaine de la propriété industrielle, concerne la confidentialité des informations obtenues durant toute la phase précontractuelle. Ainsi, l’article 1112-2 prévoit que « celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion de négociations engage sa responsabilité dans les conditions de droit commun ». Cette disposition, qui se rapproche des obligations de la directive européenne du 15 juin 2016 sur le secret des affaires, n’impose pas l’obligation de signer un accord de confidentialité. Il reste, tout particulièrement pour une question de preuve, préférable qu’un tel accord soit convenu par écrit et signé entre les parties, précisant notamment les informations devant rester confidentielles.
La notion de « cause » du contrat, auparavant nécessaire à sa validité, est supprimée, même si le contrat reste « un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » (article 1101). Les conditions de validité prévues par les textes sont le consentement des parties, leur capacité et un contenu licite et certain (article 1128). Les vices du consentement à savoir l’erreur, le dol, ou la violence restent des causes de nullité relative (article 1129 et suivants).
La notion d’ « abus de l’état de dépendance d’une des parties » comme cas de violence viciant le consentement, est introduite à l’article 1143. Il s’agit pour l’autre partie d’exploiter cette dépendance pour tirer un engagement qui n’aurait pas été souscrit sans la contrainte exercée, permettant à cette partie de bénéficier d’un avantage excessif. Le partenaire contraint pourra alors agir en nullité du contrat.
La résolution du contrat est prévue aux articles 1224 à 1230. La validation par le juge n’est plus nécessaire. La clause résolutoire doit être prévue et les causes de la rupture prévues (article 1225). Par ailleurs, et c’est une disposition nouvelle, le créancier peut à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification en cas d’inexécution suffisamment grave (article 1226). Il est précisé à l’article 1230 que « la résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des différends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les clauses de confidentialité et de non-concurrence ».
La renégociation du contrat est aussi prévue à l’article 1195 : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ». Cette clause introduisant l’imprévision dans le droit des obligations vient modérer le principe de la force obligatoire du contrat. Il sera intéressant de suivre l’appréciation qui sera faite par les tribunaux de cette disposition très commentée. Il reste qu’elle n’est pas impérative et qu’il appartient aux parties d’y déroger si elles souhaitent s’en soustraire.
Une autre disposition majeure est l’exception d’inexécution par anticipation. Issue de la jurisprudence, l’exception d’inexécution par l’une des parties de son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne, n’est pas nouvelle, mais est désormais prévue expressément à l’article 1219. Cette inexécution doit être toutefois « suffisamment grave ». Par ailleurs, l’article 1220 introduit la possibilité à l’une des parties de « suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elles ». L’article 1223 prévoit aussi la possibilité de réduire le prix en cas d’exécution imparfaite. L’application de ces dispositions posera nécessairement des problèmes de preuve.
La cession de contrat est aussi prévue aux articles 1216 et suivants.
Enfin, des dispositions propres au contrat conclu par voie électronique sont désormais prévues aux articles 1125 et suivants du code.
La réforme ainsi apportée par l’ordonnance n°2 016-131 du 10 février 2016 si elle ne transforme pas complètement notre droit apporte cependant des modifications importantes. Il appartient aux juristes d’en prendre immédiatement toute la mesure puisqu’ils doivent désormais en tenir compte dans les contrats qu’ils rédigent.