2014/07 > A quelles conditions la représentation d’un espace de vente peut-elle constituer une marque ?
Un arrêt C- 421/13, rendu le 10 juillet 2014, donne à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), l’occasion de se prononcer sur le caractère protégeable à titre de marque d’une représentation telle que ci-dessous, déposée pour désigner en classe 35 des « services de commerce de détail relatifs aux ordinateurs, logiciels, périphériques, téléphones portables, électronique grand public et accessoires et démonstration de produits y relatifs ».
Cette marque déposée par APPLE avait été acceptée sans difficulté par l’USPTO (Office des brevets et des marques des Etats-Unis).
En revanche, lorsque la société américaine avait souhaité étendre sa protection par le biais d’une demande internationale, elle s’était heurtée aux refus de plusieurs offices nationaux. L’office allemand notamment avait refusé son enregistrement au motif que la représentation des espaces dédiés à la vente des produits d’une entreprise revenait à représenter un aspect essentiel du commerce de cette entreprise, que le consommateur ne pouvait appréhender comme une indication de l’origine des produits.
Toutefois, en appel devant le Bundespatentgericht, ce dernier considérant que la forme déposée avait des particularités qui la distinguait de l’aménagement habituel des espaces de vente dans le secteur économique concerné, avait sursis à statuer et avait posé à la CJUE différentes questions préjudicielles, parmi lesquelles la question de savoir si un signe, reproduisant la présentation matérialisant un service, pouvait constituer une marque.
La CJUE, dans la décision précitée, rappelle en premier lieu qu’en application de l’article 2 de la Directive 2008/95 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, peut constituer une marque « un signe susceptible d’une représentation graphique … propre à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ».
Un dessin étant susceptible d’une représentation graphique, la représentation qui visualise l’aménagement d’un espace de vente au moyen d’un ensemble continu de lignes, contours et de forme peut ainsi constituer une marque si elle est propre à distinguer les produits ou services visés de ceux des autres entreprises. Il n’est pas besoin pour ce faire de faire référence à des indications de taille ou de proportions. La CJUE précise ainsi qu’il ne saurait être exclu que l’aménagement d’un espace de vente visualisé par la marque déposée, permette d’identifier les produits ou services visés au dépôt comme provenant d’une entreprise déterminée et que tel peut être le cas si l’aménagement considéré diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur économique concerné.
Toutefois, l’aptitude générale d’un signe à exercer la fonction de marque n’implique pas pour autant nécessairement que ce signe soit distinctif. Le caractère distinctif d’une marque doit s’apprécier in concreto au regard des produits ou services désignés et au regard de la perception qu’en a le public pertinent. La CJUE considère de ce point de vue, qu’en l’espèce, les critères d’appréciation à mettre en œuvre ne sont pas différents de ceux utilisés pour d’autres types de signe.
La Cour admet également que cette représentation de l’aménagement d’un espace de vente peut être enregistrée non seulement pour des produits mais également pour des services. Ceux-ci cependant doivent être autres que la simple mise en vente de produits, pour laquelle la marque déposée sera descriptive, et peuvent ainsi consister en des prestations telles que les démonstrations de produits exposés au moyen de séminaires, qui constituent des prestations rémunérées relevant de la notion de services.
La CJUE relève enfin que la question de savoir quelle est la portée de la protection conférée par une telle marque est sans rapport avec l’objet du litige.
En conclusion, la Cour de Justice de l’Union Européenne admet donc que la représentation d’un magasin peut faire l’objet d’un dépôt à titre de marque, sous réserve de son caractère distinctif au regard des produits et services désignés ainsi que du respect des autres conditions posées par la Directive. On peut en déduire que l’apparence extérieure particulière d’un point de vente, d’un restaurant ou d’un hôtel ou autres pourra également dans les mêmes conditions être déposée à titre de marque, ce qui est une bonne nouvelle pour ceux qui cherchent à protéger l’identité visuelle de leur activité.
En revanche, le débat sur la portée de la protection qui peut être revendiquée pour ce type de marques reste grand ouvert.