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2012/05 > Bonne administration de la justice et forum shopping

En droit international privé, les règles de compétence en matière civile et commerciale, organisées par le règlement 44/2001, s’articulent autour de la compétence de principe du domicile du défendeur, sauf cas déterminés, justifiant un autre critère de rattachement. Ainsi, l’article 5.3 dudit règlement dispose qu’en matière délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.

Par deux arrêts récents, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) se prononce sur cette notion de lieu du fait dommageable, s’agissant des atteintes commises par une mise en ligne sur Internet.

Dans un arrêt Wintersteiger du 19 avril 2012 (CJUE, 19 avril 2012, Wintersteinger AG c. Products 4U, Aff. C-523/10), une société autrichienne avait assigné en contrefaçon une société concurrente allemande qui utilisait par le biais de la réservation d’un mot-clé, sa dénomination sociale et sa marque à partir d’un moteur de recherche, au travers de l’extension « .de ». La société allemande, assignée devant les juridictions autrichiennes, en avait contesté la compétence.

La question était donc de savoir si le principe général du tribunal du lieu du domicile du défendeur devait s’appliquer, ou s’il fallait considérer que l’utilisation d’une marque sur un site internet opérant sous un nom de domaine de premier niveau (en l’espèce le « .de ») pouvait fonder la compétence des juridictions autrichiennes en tant que lieu du fait dommageable.

La CJUE rappelle que la dérogation au principe de la compétence du domicile du défendeur se fonde sur l’existence d’un « lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit » et indique que la notion de lieu du fait dommageable désigne aussi bien « le lieu de la matérialisation du dommage » que le « lieu de l’évènement causal qui est à l’origine de ce dommage ». La CJUE indique également que le choix entre le tribunal de l’un ou l’autre de ces lieux appartient au demandeur.

En l’espèce, la marque jouissait d’une protection nationale en Autriche et le lieu de la matérialisation du dommage était donc l’Etat dans lequel elle était protégée, soit l’Autriche, la question de l’existence d’une atteinte portée à cette marque relevant de l’examen au fond du litige. L’annonceur, initiateur du déclenchement du processus technique d’affichage électronique de la publicité litigieuse, était en revanche à l’origine du dommage et le lieu de l’évènement causal était ainsi l’Etat du lieu d’établissement de l’annonceur, soit l’Allemagne. Il résulte de la décision rendue que le demandeur avait ainsi le choix entre le tribunal autrichien ou le tribunal allemand.

Dans une affaire précédente du 25 octobre 2011 (CJUE, 25 octobre 2011, eDate Advertising GmbH, C—509/09 et Olivier Martinez, Robert Martinez c. MGN Limited, C-161/10) relative à une diffusion en ligne au Royaume-Uni portant atteinte à un droit de la personnalité sur le territoire français, la CJUE avait décidé que le demandeur pouvait saisir pour demander réparation de son entier préjudice, soit le tribunal du lieu de la matérialisation du délit, à savoir celui du lieu d’établissement de la société émettrice des contenus contestés, soit le lieu de l’évènement causal à savoir la juridiction du « lieu où la victime a le centre de ses intérêts », à savoir en général sa résidence habituelle. Toutefois, le demandeur pouvait également engager son action devant les juridictions de chaque Etat où les contenus litigieux avaient été accessibles. Dans ce dernier cas, les juridictions saisies étaient compétentes pour le seul dommage causé sur leur territoire.

Ainsi que le souligne la Cour, l’objectif de la prévisibilité et d’une bonne administration de la justice sont le fondement même de l’exception posée par l’article 5 du règlement 44/2001. On en observera pas moins que le choix ainsi laissé au demandeur est précisément susceptible d’aller à l’encontre de la réalisation de cet objectif.

Brève : Dans un arrêt du 2 mai 2012 (Aff. C-406/10), la CJUE dit pour droit que la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur, le langage de programmation ou encore le format des fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions, ne constituent pas une forme d’expression de ce programme et ne peuvent être protégés par le droit d’auteur au sens de la directive 91/250/CEE du Conseil, du 14 mai 1991, relative à la protection juridique des programmes d’ordinateur.

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